Valoriser sa marque: un levier stratégique et financier pour l’entreprise
La marque ne se limite pas à un simple nom ou logo. Elle incarne la promesse faite aux clients, reflète l'identité de l'entreprise et, dans bien des cas, constitue l’un de ses principaux actifs immatériels. Sa valorisation, bien menée, peut devenir un levier stratégique puissant : pour négocier un financement, structurer un groupe, attirer des investisseurs ou préparer une cession.
Cet article vous guide à travers les trois grandes étapes de cette démarche : l’analyse juridique, le diagnostic stratégique, et enfin, l’évaluation financière proprement dite.
1. Sécuriser la marque : l’analyse juridique, première étape incontournable
Avant toute évaluation financière, il faut s’assurer que la marque est protégée juridiquement. En effet, une marque non enregistrée ou mal protégée ne peut pas faire l’objet d’une valorisation fiable ni opposable à des tiers.
Quels signes peuvent être protégés ?
Une marque peut prendre plusieurs formes : verbale (un nom, un slogan), figurative (un logo), sonore (un jingle), voire holographique ou multimédia. Toutefois, pour bénéficier de la protection du droit des marques, elle doit remplir quatre critères essentiels :
Être distinctive : c’est-à-dire ne pas être générique ou descriptive de l’activité.
Être licite : ne pas contrevenir à l’ordre public ni contenir de symboles protégés.
Être non déceptive : ne pas induire le consommateur en erreur.
Être disponible : ne pas être déjà enregistrée ou trop proche d’une marque existante.
Déposer et renouveler sa marque
En France, le dépôt se fait auprès de l’INPI pour une protection de 10 ans, renouvelable. Cette protection peut être étendue à l’Union européenne via l’EUIPO ou au niveau mondial via l’OMPI. Attention ! Un oubli de renouvellement peut entraîner la perte de tous les droits liés à la marque.
2. Comprendre la valeur stratégique de la marque
Une fois la sécurité juridique établie, il faut analyser la place qu’occupe la marque dans la stratégie de l’entreprise. Cette étape vise à qualifier la « force » de la marque, et conditionnera largement le choix de la méthode d’évaluation financière.
Quel est le positionnement de la marque ?
Le diagnostic stratégique repose sur plusieurs axes :
L’histoire de la marque : date de création, évolutions, éventuels rebranding.
Son cycle de vie : lancement, croissance, maturité, voire phase de déclin.
Son caractère distinctif : nom facilement mémorisable, logo évocateur, slogan marquant.
Un logo bien pensé (forme, couleurs, typographie) ou un slogan pertinent peuvent renforcer la reconnaissance et la mémorisation de la marque. De même, l’existence d’une « famille de marques » peut accroître sa puissance commerciale.
Quelle est sa notoriété ?
La notoriété d’une marque peut être mesurée par plusieurs indicateurs :
Les études de notoriété (Top of Mind, spontanée, assistée, prouvée),
La visibilité sur les réseaux sociaux (nombre de followers, taux d’engagement…),
Le référencement sur les moteurs de recherche,
Le recours à la publicité, au sponsoring ou à des partenariats stratégiques.
Une marque visible et bien perçue sera mieux valorisée car elle attire plus de clients, fidélise davantage, et peut justifier des marges plus élevées.
Quelle est la prise en compte des critères ESG ?
Aujourd’hui, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) influencent fortement l’image et la valeur d’une marque. Une marque perçue comme responsable gagne en attractivité ; à l’inverse, des controverses peuvent en réduire la valeur. Il est donc crucial d’intégrer ces critères dans le diagnostic stratégique.
3. Évaluer financièrement la marque : méthodes et enjeux
La valorisation financière ne peut venir qu’après l’analyse juridique et stratégique. Elle repose sur une ou plusieurs méthodes, choisies en fonction du contexte, de la maturité de la marque et des données disponibles.
Dans quels cas valorise-t-on une marque ?
Plusieurs situations concrètes peuvent motiver une évaluation :
Mise en place de contrats de redevance intra-groupe,
Acquisition ou cession d’entreprise,
Apport en nature lors d’une restructuration,
Négociation avec un financeur,
Procédure collective avec vente des actifs incorporels (cas de Camaïeu, racheté par Célio).
Les principales méthodes d’évaluation
1. L’approche par les coûts
Elle consiste à estimer ce que la marque a coûté pour être développée (coûts historiques) ou ce qu’il en coûterait pour la reconstituer aujourd’hui (coûts de reconstitution). Cette méthode est surtout adaptée aux marques récentes, et suppose que les coûts reflètent bien la valeur créée.
2. L’approche par comparaison
Elle cherche à comparer la marque à d’autres marques similaires ayant fait l’objet de transactions récentes. Cette méthode est difficile à appliquer dans la pratique, faute de données comparables disponibles.
3. La méthode du surplus de prix ou de marge
Elle mesure l’écart de prix (ou de marge) entre un produit de marque et un produit équivalent sans marque, puis le multiplie par le volume des ventes. Cette méthode peut être pertinente dans les secteurs où la marque justifie clairement un surcoût (ex : vins et spiritueux).
4. La méthode du surprofit économique
Elle vise à isoler le résultat d’exploitation spécifique attribuable à la marque, une fois rémunérés tous les autres actifs contributifs (personnel, matériel, fonds de commerce, etc.). Cette méthode est rigoureuse mais complexe à mettre en œuvre.
5. La méthode des redevances (royalty reliefs)
C’est la méthode la plus utilisée. Elle consiste à estimer les redevances que l’entreprise devrait payer pour exploiter la marque si elle n’en était pas propriétaire, sur la base d’un taux de marché. Cette méthode est particulièrement adaptée dans les contextes d’exploitation continue de la marque.
Elle repose sur la formule suivante :
Valeur = Somme actualisée [(CA × taux de redevance – coûts – impôts)]
Les paramètres clés à maîtriser sont :
Le chiffre d’affaires généré par la marque,
Le taux de redevance retenu (0,5 à 10 % selon les secteurs),
Les coûts liés à l’entretien de la marque (marketing, juridique, salaires…),
Le taux d’actualisation des flux futurs.
Le diagnostic stratégique influence directement la méthode et ses paramètres
Ainsi, une marque visible, bien positionnée, alignée avec la stratégie du groupe et répondant aux enjeux ESG se verra appliquer un taux de redevance plus élevé ou une projection de flux plus longue. À l’inverse, une marque peu connue ou en perte de vitesse subira une décote.
En conclusion : anticiper, structurer, valoriser
La valorisation d’une marque ne peut se réduire à une simple formule mathématique. C’est une démarche à la fois juridique, stratégique et financière, qui repose sur une analyse approfondie de l’entreprise, de son marché et de sa vision.
Elle s’inscrit pleinement dans les enjeux contemporains des dirigeants :
structuration des actifs immatériels,
valorisation en cas de levée de fonds ou de cession,
pilotage de la performance marketing,
gestion de l’image et des engagements ESG.
Dans un monde où les marques créent autant - voire plus - de valeur que les actifs matériels, il est urgent de les considérer pour ce qu’elles sont : des actifs à part entière, qu’il faut protéger, développer et valoriser avec méthode.
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